mercredi 5 mars 2008

Mardi, évasion

J’aurais pu vous raconter ma journée de travail… J’aurai pu. Mais, avant même que je m’en aperçoive, emporté par Feist puis Coldplay, j’ai retrouvé sur mon écran le texte qui suit… Etrange sensation…



Un mois et quatre jours que je suis en Inde. Le premier mois, pleins de rebondissements, de changements, de joie, de peine, est passé plutôt vite. Le temps de quitter la Guest house pour déménager dans mon nouveau chez-moi. Le temps de visiter quelques lieux magiques avec Sudhir, Bala. Le temps de fêter mon anniversaire à l’indienne. Et ce mois de Février est déjà terminé.


Les discussions balbutiées avec Ratan, qui parlait encore moins bien anglais que moi, me semble si lointaines déjà… On s’était promis de se revoir, de boire une bière entre homme. Je pense qu’il me l’avait demandé car il avait honte de le faire en publique, et que le fait d’être accompagné par un européen donnait du crédit à cette acte prohibé par ses croyances et sa culture multiséculaire. Mais je n’ai pas trop osé le rappeler, et lui encore moins je pense.


Soudain, un doute m’envahit, des frissons remontent le long de ma colonne verticale. Et si j’allais m’ennuyer ici ? Et si les quatre autres mois restant allaient avancer à la vitesse d’une tortue en pleine compétition du 100m ? C’est vrai, à présent je suis installé, je sais où faire mes courses, et la routine quotidienne s’installe petit à petit… Et puis beaucoup de gens me demandent si je m’ennuie. Je leur réponds que non. Mais si ça changeait… ? Des bouffées de chaleur montent en moi au moment où j’écris ces lignes.


Bon, un verre de coca plus tard, voici à nouveau mes pensées… L’inde est un pays pauvre, en VOIE de développement. C’est certains, la plupart des grosses entreprises internationales (dont beaucoup de françaises) s’installe en Inde, on construit de grands bâtiments, de grandes usines, on créé sans cesse de nouveaux quartier pleins de fontaines et de belles routes. Mais pour construire tout ça, on a détruit des kilomètres carrés de bidonvilles de paysans venus tenter leur chance en ville. Et on construit tout ça avec des bambous comme échafaudages, et des binettes pour creuser les tranchées. L’eau courante n’est pas potable, et le courant saute à peu près 10 fois par jours, sans parler des microcoupures. Et les paysans sont toujours là, envahissant les trottoirs de leurs maisons de taules aussi vite que la marée monte au Mont St Michel. Alors non, l’Inde n’est pour moi pas développée, et je n’arrive pas à comprendre comment ils pourront se sortir de cette spirale : Ils construisent sur de l’instable, vraiment très instable. Après un mois ici, j’ai l’impression que l’Inde est prête à exploser. Je ne parle pas d’une guerre, ni d’une révolution. Mais avec cette chaleur, la pollution, la vitesse de développement qui augmente sans cesse, alors que la population, les infrastructures et l’entretien ne suit déjà pas, c’est impressionnant. Tout grimpe à une vitesse, on se croirait dans une cocote minute.


Malgré ça, au risque de me répéter, l’Inde a ses lieux qui jamais n’évolueront. Ses temples, ses lieux sacrés, où là, le temps semble s’être arrêté. Où le calme réside, et résidera toujours. Cette sensation, quand on s’y trouve avec ce silence, que tout va bien, que la vie à l’extérieure ne compte pas, que seule la quiétude qui nous inonde ici importe. C’est étrange. Je m’y sens bien. Je pense que si j’y allais seul, je pourrais rester une journée assis dans l’herbe ou sur les marches du temple, pieds nus, les yeux fermés, à profiter de cet instant qu’on ne trouve que trop peu en France, un endroit où personne n’est pressé, où tout le monde sourit et profite, tous, sans exception. Et puis surtout, il y a cette culture, ancrée autour d’une religion complexe. Des siècles de pratiques, des milliers de dérivés entremêlés dans un seul pays, autant de dieux et de croyances, et plus d’un milliard de fervents. S’il y a bien une chose qui ne changera jamais en Inde, c’est ça. Malgré les inégalités que cela peut créer pour l’esprit européen, il faut vivre au milieu des indiens, se laisser imprégner par cette vision de la vie, pour comprendre qu’il n’y a pas de raison de se révolter. Choisir ses conditions de vie, se battre pour évoluer dans l’échelle sociale, tenter de passer de balayeur de rue à travailleur en bureau, ce n’est pas un choix qui est laissé à l’Homme. On naît balayeur, on meurt balayeur. On naît patron, on meurt patron. Trop de barrières se sont érigées au fil des siècles pour que cela ne change pas. Les castes, l’argent… Et puis, plus dure est sa vie actuelle, plus agréable sera la prochaine, alors pourquoi s’en faire ?


Cette culture, cette vision, je l’aime. Et j’aime les couleurs qu’elle apporte sur les saaris de femmes indiennes, le sourire sur leur bouche, le bindi, ce petit point rouge sur leur front censé leur donner énergie et protection. J’aime aussi me balader dans les rues, voir cette agitation grouillante, ces hommes et femmes qui se mêlent aux animaux, aux voitures, motos, vélos. Ces odeurs de nourritures grillées sur les chariotes des vendeurs ambulants, la lumières des torches et des faibles lampes à gaz qui éclairent les marchés le soir. J’aime l’Inde.


Alors non, je ne m’ennuierai pas ces quatre prochains mois. Il faut juste que je garde les yeux grands ouverts, que je garde ce regard d’enfant de dix ans devant la moindre guirlande, le moindre saaris coloré, la moindre odeur d’épice. Et alors, non, je ne m’ennuierai pas.


Ces photos ne sont pas de moi, mais pourrait l’être car, ça, c’est l’Inde, la vraie :




6 commentaires:

Anonyme a dit…

tu es d'humeur philosophique;; mais tu as raison ne ferme pas les yeux ne t'endors ne parle pas de routine pour ce séjour cela serait une offense à l'Inde et surement à toi même
bonne journée

pripri a dit…

Merci de nous en faire si bien profiter.

Bonne continuation

Bizoux

Gaby a dit…

Très bel représentation de l'Inde. Moi c'est drôle, j'ai l'impression que ca passe beaucoup trop vite et quand je vois qu'on a déjà fait un mois !

Je pense pas que tu t'ennuies, c'est un pays très riche culturellement et puis t'as un petit milliard de personnes à rencontrer ... Ca devrait t'occuper ;)

Arno a dit…

C'est clair... Environ 1 095 351 995 habitants d'après les sources Wiki... Encore qu'aujourd'hui aucun recensement n'a jamais été fait jusqu'au bout. Ils en ont relancé un il y a un an, mais ils ne compte pas l'avoir fini avant encore environ 2 ans. Et d'ici là, la population aurait augmenté d'au moins 5% !!

coucoune a dit…

C'est vraiment très bien écrit, merci pour cette pensée ! Et t'inquiètes pas, à mon avis, tu n'auras pas le temps de t'ennuyer !

Cyril a dit…

J'adore lire ce que tu ecris Arnaud, c'est vraiment plein d'emotion. Continu a me faire vibrer. Et comme on dit les autres, je pense pas que tu risques de t'ennuyer dans un pays aussi riche en culture, hommes...

Bisous mec