J'ai vu

Parce qu’un appareil photo ne remplace jamais des yeux… Et parce que je mets toujours trop de temps à le dégainer, voici ce que j’ai vu sur la route vendredi soir en rentrant…

Aujourd’hui, sur la route, j’ai vu :

- Un troupeau de cheval en sortant de l’usine.

- Comme tous les jours, le petit vendeur ambulant de samosas et autres petits mets indiens… Il les fabrique à même le bitume sur une bâche toute trouée. Il y a plus de mouches que de petits pois autour du feu qu’il a fait sur le trottoir…

- Les chauffeurs de rickshaw à pédale se reposant en dormant sur leurs vélos. Ils ont la peau endurcie par la vie, c’est impressionnant.

- Trois vaches dormant sur la route, sur le bitume brûlant. Leur cuir semble déjà tanné et dur comme de la pierre, sur leurs hanches saillantes.

- Un éléphant qui se déplace tout doucement sur le bas côté.

- Des camions tellement colorés et décorés qu’on ne sait même pas quelle est leur couleur d’origine.

- Le quartier des laveurs de linge, avec des centaines de vêtements colorés, séchant au soleil qui tombe, un rêve multicolore.

- Des motos, des motos, et encore des motos… Avec en moyenne 2 personnes dessus, et parfois des familles entières : Papa qui conduit, le petit sur le réservoir tenant le volant avec un sourire béat car c’est comme s’il conduisait, le deuxième petit derrière papa, maman encore derrière, assise en amazone, et portant le 3^e enfant dans ses bras, un bébé. Leurs vêtements sont colorés et le châle de la femme vole au vent derrière la moto…

- Un homme en vélo à trois roues, portant des tonneaux vides en plastique bleus, j’en compte 8, la hauteur totale dépasse l’homme d’un mètre cinquante… Chaque coup de pédale a l’air dur, surtout avec cette chaleur.

- Un soleil qui brille et descend doucement, chauffant ce coin du monde à 39°C, il est 17h30, le soleil sera couché dans moins de deux heures.

- Un autre homme à vélo (à deux roues ce coup-ci), emportant des plaques à œufs (x24) vides en carton. La pile de boites posée sur sa selle et solidement ficelée semble à tout moment sur le point de tomber, puisqu’elle doit mesurer dans les 1m30, posée sur une selle toute cabossée.

- Des petits groupes d’hommes se reposant dans l’herbe des ronds-points, allongés et faisant la sieste sous les arbustes, ou discutant de vives voix avec de grands gestes en riant.

- Des sourires, des sourires, et encore des sourires.

- Une envie de vivre inconditionnelle, sans se poser de question.

- Des bandes de gosses de la rue, fouillant les poubelles publiques à la recherche de bouteilles de soda vide pour boire les petites gouttes qui restent toujours au fond.

- Une BMW 525 dernière génération, flambant neuve et ultra propre, roulant très vite.

- Des travaux, des travaux, et encore des travaux… Avec des trous de 50 cm dans le sol, que des gars rebouchent avec du goudron qu’ils versent avec une tasse… Le tout sans gant ni masque.

- La même BMW 2km plus loin, bloquée par un troupeau de vaches, pas énormément pressées de libérer la voie.

- Des bus blindés, d’une façon inimaginable. Les gens dedans ne peuvent même pas bouger un bras, des gars sont pendus aux sorties les pieds dans le vide puisqu’ils ne peuvent pas rentrer, ni aller sur le toit puisqu’il est plein aussi. Le bus penche de façon assez significative, et j’ai l’impression qu’il va se renverser à chaque rond-point. En le doublant, je vois le chauffeur, imperturbable, conduisant tranquille et demandant aux gars des premiers rangs de sortir le bras par la fenêtre pour jouer le rôle de clignotant. Il faut mieux obéir car le chauffeur ne voit pas, donc quand le bras sort, il change de voie, qu’il y ait quelqu’un ou pas.

- Mon chauffeur remplaçant, super prévenant, qui me surveille à partir de 17h30 depuis l’office des gardes à l’entrée, et qui court chercher le taxi dès qu’il m’aperçoit dans le hall d’accueil, pour le mettre devant le portail avec la clim à fond, et qui m’ouvre la portière… Lorsqu’on arrive il fait pareil : Saute du taxi pour m’ouvrir la porte… Assez gênant je vous l’avoue.

- Des hommes se tenant la main partout… Car ici, même si l’homosexualité est un crime passible de 6 ans de prison, il est de coutume de se balader dans la rue avec un pote, en lui tenant la main, ou en le prenant par l’épaule…

Voilà ce que j’ai vu vendredi, mais la plupart de ces choses-là (mis à part la BMW !), je le vois tous les jours… A quelques variations prêt bien sûr. Parfois ce ne se sont pas des tonneaux en plastique sur le vélo, mais des ordures que le gars emmène chez un trieur pour se faire payer au poids. Parfois ce n’est pas une famille sur la moto, mais 3 potes rentrant de cours et rigolant en faisant des grands gestes… Mais, vous l’aurez compris, ça n’en reste pas moins fabuleux, de par la beauté, la crasse, les riches, les pauvres, et ce paradoxe indien…

Vous voulez des photos ? Je n’en ai pas… Mais si vous fermez les yeux, alors peut être, vous aussi, vous verrez.

Bizoos